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VULGAIRE ? J’ASSUME

INTERVIEW EXTRAITE DU CASEMATE 36 AVRIL 2011

Artistes, flics, gentils, méchants, tous les acteurs de Du plomb pour les garces sont des dames. Après la Mangin raffinée de Petit miracle et l’intello de Trois Christs, voici la Mangin tarantinesque. Ça décape !



Casemate: Mais que vous ont fait Britney Spears et Madonna pour les traiter ainsi ?
Valérie Mangin : Vous dites ça parce qu’on voit une certaine Brittany Spice se suicider après un shoot au volant ? Et les deux enfants de la célèbre chanteuse Virginia se faire kidnapper ? Mais je ne souhaite de mal à personne ! J’ai même une grande admiration pour Madonna, simple starlette qui, à force de travail, a su franchir tous les obstacles, rebondir alors qu’elle était au fond du gouffre, et rester performante tout au long de sa carrière, que ce soit d’un point de vue artistique ou marketing. Britney Spears aurait pu suivre le même chemin. Peut-être était-elle trop humaine, pas assez solide pour ne pas être cassée par le star-system. J’avais envie, dans Du plomb pour les garces, de m’intéresser à la vie étrange de ces stars que notre société porte aux nues tout en cherchant à les détruire.


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Pourquoi un casting totalement féminin ?
On croise aussi dans l’album la redoutable Paquita Ibanez, garde du corps de Virginia, ainsi qu’Angela, femme flic surnommée Miss Shériff et héroïne de l’album. Les femmes occupent tous les rôles. Les personnages féminins, en BD comme au cinéma, sont souvent des personnages positifs. Je voulais des femmes prenant en main leur destin et agissant comme des hommes, avec leurs bons et mauvais côtés. Usant par exemple de violence ou étant tyranniques, défauts consi- dérés comme typiquement masculins. Je voulais des femmes « qui en ont », d’où le mot « garces » dans le titre, que je considère comme un dérivé féminin de « garçons ».

Est-ce crédible ?
Je ne suis pas tombée très loin de la réalité ! Afin de préparer l’album, j’ai lu toute la presse people, regardé toutes les émissions consacrées aux stars. J’ai découvert que l’entourage de Madonna et Britney Spears était essentiellement féminin, mais aussi que le métier de policier, de plus en plus dévalorisé, s’ouvrait du coup largement aux femmes.

Leur coller les tares des hommes n’est pas une posture très féministe...
Au contraire ! Si on veut que les femmes soient considérées comme égales de hommes, il faut qu’elles endossent tous les rôles. Être une femme n’est pas un simple fait biologique. On naît femme, mais c’est la société qui nous oblige à rentrer dans certains stéréotypes, et à occuper certains rôles. Selon la pensée dominante, une femme doit être hétérosexuelle et mère. Eh bien non, toutes les femmes ne veulent pas forcément avoir un enfant. Assener ce genre de vérité dérange. Et rend le monde trop complexe pour certains...

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L’homosexualité féminine est omniprésente.
Une certaine forme d’homosexualité, celle que l’on voit dans les magazines people. Je me suis inspirée du fameux baiser entre Madonna et Britney Spears qui a fait la une des journaux à potins du monde entier. La presse people me débecte. Mais je m’interroge sur le phénomène. Comment expliquer que tout le monde dise la détester, mais se rue dessus chez le coiffeur ? Je crois que c’est une soupape sociale. Une sorte de porno autorisé, sans érection. Brassens disait que mettre son cœur ou son cul en plein soleil, c’est la même chose. Je suis plutôt d’accord. Bien sûr, j’habille ma réflexion sur les stars et le people de manière outrancière. Je suis l’exemple de Tarantino, capable d’as- sumer jusqu’au bout un sujet de mauvais goût, comme dans Inglourious basterds, mais aussi celui de Frank Miller (Sin City) dont la narration est à la fois sophistiquée et directe. J’admire la capacité de Miller à donner du sens à la violence gratuite. L’usage forcené des pavés narratifs pour explorer la psychologie de mes personnages est un hommage à Miller. Comme mon recours à une violence presque burlesque, à des dialogues sans tabous, l’est au travail de Tarantino.


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On risque de vous taxer, comme eux, de vulgarité. Que répondrez-vous ?
J’assumerai. J’expliquerai que oui, je suis vulgaire dans Du plomb pour les garces, comme j’avais pu être intellectuelle et sophistiquée sur Trois Christs ou raffinée et exacte dans Petit miracle. Tous les tempéraments s’expriment dans chaque être humain. Si l’on veut bien connaître quelqu’un, il faut en explorer tous les aspects, ne pas s’arrêter à la surface des choses. C’est une des thématiques de l’album : la culture de l’apparence dans cette société américaine où tout le monde semble beau et lisse. Miss Shériff, physique de bombe atomique et comportement totalement asexué, est le personnage le plus emblématique de cette réflexion que j’ai voulu mener en filigrane. Ses gros seins la gênent. Elle se voudrait androgyne afin que les hommes ne la regardent pas. La beauté peut être un frein à une vie harmonieuse. Quand on est trop beau, on s’en rend vite compte, et on oublie du coup de développer ses autres qualités. Attention, je ne dis pas que toutes les jolies filles sont idiotes !


L’idée est pourtant répandue. Y compris dans le petit monde de la BD ?
J’ai encore entendu dire récemment que Denis Bajram était forcément intervenu sur le scénario de Trois Christs... Une fille qui fait du scénario, ça passe. Mais une fille qui fait autre chose que des séries pour enfants ou des récits de blogs, ça passe beaucoup moins ! Dommage. Je n’ai pas envie de montrer des filles achetant des chaussures en attendant le Prince charmant. Curieusement, le machisme est parfois féminin. Certaines aiment faire figure d’exception et voient d’un mauvais œil l’arrivée d’autres filles. Elles redoutent que ça les banalise. Heureusement, le public se pose moins de questions. Pour lui, seul compte l’album. Alors que mon prénom apparaît sur mes séries, beaucoup sont encore surpris de découvrir une femme en dédicace.

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Une petite starification à la Madonna vous déplairait tant que ça ?
Ça ne me fait pas envie. Découvrir que des gens attendent depuis plus d’une heure pour une dédicace me met mal à l’aise. J’aimerais que les bouquins sortent anonymement, afin de laisser au lecteur le loisir de les juger rien que sur le fond. En répondant à cette interview, je vais déjà influencer les lecteurs. On ne lit pas un ouvrage de la même manière quand on sait qui l’a écrit.


Où avez-vous rencontré Loïc Malnati ?
Aux Humanos alors qu’il travaillait sur L’Ancêtre programmé et moi sur Mémoires mortes. Nous nous sommes retrouvés sur Destins lors des réunions de coordination voulues par Frank Giroud*. J’aime le dessin de Loïc, solide, expressif et varié. Lorsque j’ai appris qu’il travaillait en studio avec deux assistants, je me suis méfiée. Pour moi, le travail de studio ne donnait qu’un dessin stéréotypé, vite fait et sans grand intérêt. Loïc m’a prouvé qu’on pouvait garder une démarche d’auteur tout en étant efficace. Outre Du plomb pour les garces, nous travaillons sur Abymes, série à venir chez Aire Libre. Une trilogie, premier tome réalisé par Griffo, deuxième par Loïc, dernier par Denis Bajram. On y traitera de la thématique de l’œuvre dans l’œuvre, avec des créateurs comme Balzac, Clouzot et... Bajram et Mangin !

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Heu oui...
Pour faire simple, l’histoire est basée sur le principe de la boîte de Vache qui rit. Sur son couvercle, une vache a des boucles d’oreille où l’on voit la vache avec des bou- cles d’oreille en forme de boîte où l’on voit, etc. Une nouvelle facette de mon travail qui, j’espère, surprendra autant que Du Plomb pour les garces !

Propos recueillis par Damien PEREZ


PDF

image 5Vous pouvez télécharger le PDF complet, qui contient l'interview de Valérie Mangin plus 4 pages de l'album commentées par Loïc Malnati.

Un grand merci à Damien Perez et à Frédéric Vidal de Casemate pour avoir permis la publication sur ce site des pages de leur magazine.






 
Cette page a été modifiée pour la dernière fois le jeudi 28 avril 2011
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