Valérie Mangin est une payse, oui, une fille de notre Lorraine et cela ne doit pas m’aveugler dans mon jugement. Pourtant, certains savent que cette région est importante pour moi, ce qu’elle m’a transmis comme valeur et comme fierté...
Valérie est donc née à Nancy et c’est plus tard du côté de la capitale qu’elle a trouvé un mari et un guide pour entrer dans l’univers de la bande dessinée après de belles études en histoire... OK, j’ai promis, je resterai objectif, du moins je dirai ce que je pense, ce que j’ai ressenti en lisant ses albums, ce qui pourrait vous informer du contenu de ce travail que je veux vous inviter à découvrir...C’est en lisant la magnifique histoire Petit miracle dessinée par Griffo que j’ai pris la mesure du talent indiscutable de cette scénariste qui sait toucher le lecteur. J’ai déjà parlé de ces deux albums étonnants, ce n’est donc pas le moment d’y revenir... Je peux quand même préciser que c’est en découvrant la signature du premier album d’Abymes, Mangin et Griffo, que j’ai eu envie de le lire, l’attrait de ces deux noms qui m’avaient déjà accompagné...
Abyme est un triptyque scénarisé par Valérie Mangin et dessiné par trois grands dessinateurs, dans l’ordre, Griffo, Malnati et Denis Bajram (qui n’est autre que celui qui partage la vie de Valérie Mangin). Tout commence avec une sorte de biographie de Balzac. Je dis une « sorte » car il n’est pas certain que le pauvre Honoré de Balzac ait bien vécu cet épisode assez tumultueux qui commence par la suspension de son feuilleton et son remplacement par une histoire qui livre tous les petits secrets de sa vie privée... Mais qui manipule qui ? Comment certains faits sontils connus de l’auteur de ce feuilleton voyeuriste ? Balzac en devient fou et cela finira en drame...
Un scénario construit au cordeau et un lecteur manipulé comme celui qui découvre jour après jour la vie de Balzac dans la Revue de Paris. En quelques pages nous sommes déstabilisés et nous nous précipitons sur nos dictionnaires, nos encyclopédies et nos moteurs de recherches pour vérifier si cette histoire ne serait pas la véritable vie de Balzac, celle que l’on aurait omis de nous livrer lors de nos études... et, finalement, nous devons bien en convenir, tout cela n’est que le fruit du cerveau de Valérie Mangin qui nous raconte une fiction plus vraie que la réalité. Quel talent !
Quant au dessin, il est tout simplement admirable et la narration graphique est fascinante. Certaines vignettes sont de toute beauté tandis que certaines planches nous en disent tant qu’on a l’impression que Griffo vivait à l’époque de Balzac, qu’il a tout vu et entendu, qu’il n’est là que pour nous raconter ce qu’il a vécu, lui aussi... certains personnages sont si forts qu’ils ont provoqué chez moi des troubles de mémoire... Par exemple, Georges, le serviteur d’Honoré a pris la place de Nestor dans ma mémoire et maintenant, si on me dit « majordome » ou valet, je vois Georges arriver face à moi et me dire « Monsieur ? »...
Je ne vous en dis pas plus sur le fond de l’histoire si ce n’est que la mise en abyme est une forme narrative pour créer une sorte de répétions de certains éléments identiques de l’histoire comme par un jeu de miroir. Le résultat premier est de faire tourbillonner le lecteur jusqu’à lui faire perdre le sens des réalités... Qui est vrai ? Le Balzac que j’ai découvert dans mes lectures, celui de mes cours de littérature, celui qui est victime d’un feuilleton anonyme, celui du récit donné en pâture populaire... ?
Alors, quand on arrive à la fin de l’album, de la vie de Balzac aussi, on se demande bien ce que nous réserve Valérie Mangin tant la barre a été placé haut dès le premier volet de cette histoire... C’est à lire toute affaire cessante, c’est une évidence !
Michel Bonnet
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