Abymes est un triptyque original dont les tomes sont parus mensuellement en janvier, février et mars aux éditions Dupuis. C'est Valérie Mangin qui signe le scénario, tandis que se succèdent Griffo, Malnati et Bajram aux crayons.Comme son titre l'indique, la série exploite le concept de mise en abyme au fil des tomes, chacun étant consacré à un personnage différent, mais tous étant liés entreeux, le troisième tome éclairant toute l'histoire dans un final aux étonnantes révélations.
Le premier volume est consacré à Balzac. Alors que celuici est en pleine écriture de La peau de Chagrin qui doit être diffusé en feuilleton dans les pages de la Revue de Paris, le journal annule la publication. C'est l'étrange récit d'un auteur inconnu qui prend sa place et son sujet principal n'est autre que Balzac luimême.
Mais le plus troublant est que cette biographie qui étale sa vie est extrêmement documentée et va même jusqu'à illustrer Balzac dans les moments les plus récents de son existence. C'est ainsi que des secrets refont surface et que la réputation de l'écrivain commence à se ternir. Déterminé à stopper ce canular, Balzac entreprend d'en retrouver l'auteur.
Cette mise en bouche fonctionne à merveille. On est très rapidement pris dans l'intrigue et les tourments de Balzac trouvent directement écho dans l'ironie des situations qu'ils provoquent. C'est avec délectation que nous le voyons s'embourber dans un scénario complexe et finement mené. Les dessins de Griffo sont comme à l'accoutumée très convaincants dans cette ambiance du XIXe siècle et l'on se laisse emporter sans peine dans ce récit plutôt sombre.
Le deuxième volume remporte un peu moins l'adhésion. Il nous décrit dans le Paris de l'aprèsguerre, les ennuis du cinéaste Henri Georges Clouzot, alors qu'il réalise un film sur la vie de Balzac. Comme pour l'histoire du précédent tome, la mise en abyme consiste à découvrir des scènes de la vie intime de Clouzot, filmées à son insu et laissées dans les rushs de son propre film.
La surprise n'étant plus au rendezvous, c'est avec moins d'entrain que l'on suit le récit. Le travail de Loïc Malnati donne à l'album une allure très classique et son encrage au trait tremblant et épais donnent un rendu un peu gras à ses planches.
Mais c'est le dernier tome qui achèvera de nous convaincre que Valérie Mangin savait depuis le départ où elle voulait nous mener. Et même un peu plus... Se mettant en scène en tant que premier rôle, la scénariste nous expose sa vie et une part de son intimité, dont sa rencontre avec son compagnon Denis Bajram, dessinateur du troisième album en question. La mise en abyme est poussée très loin donc, mais on ne s'attend pas encore à quel point...
Encore étudiante, Valérie découvre un jour dans une librairie parisienne le premier tome d'une bande dessinée intitulée Abymes, scénarisée par son homonyme et ayant pour sujet Balzac. Intriguée, elle en fait l'acquisition, mais se la fait voler au foyer où elle loge. Quand elle cherche à la racheter et se renseigne sur l'album, elle s'aperçoit qu'il n'est référencé nulle part, comme s'il n'avait jamais existé...
C'est dans ce contexte nous plongeant de plein coeur dans la vie de son auteure que ce triptyque prend toute son ampleur. Denis Bajram l'illustre mais en est également un des principaux protagonistes. Ses dessins à la peinture, sans contours, offrent un graphisme au rendu très agréable et aux décors parisiens et bruxellois d'un photoréalisme remarquable.
Entre polar historique, biographie fictive et enquête policière, Abymes nous emmène dans un scénario aux nombreuses connections et finit même par nous filer un sacré tournis au fur et à mesure que l'on s'enfonce dans ses méandres. Jusqu'au final, saisissant.
Ginie Bulleto
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