Quel est le point commun entre le romancier Honoré de Balzac, le cinéaste HenriGeorges Clouzot et la scénariste Valérie Mangin ? Un abîme, ou plutôt une mise en abyme : ce jeu de miroir qui permet un enchâssement d’un récit dans un autre récit. Cette figure de style nous offre le projet BD le plus enthousiasmant de cette année, publié dans la prestigieuse collection Air Libre. Comme l’héroïne, partez vous aussi à la recherche de cette trilogie dans les rues de Paris.
Valérie Mangin (Alix Senator, le Fléau des Dieux), la scénariste de cette série, développe son histoire en trois tomes avec la complicité de trois dessinateurs différents. Dans le dernier tome, elle se met ellemême en scène (et en autofiction ?) avec son mari, le dessinateur Denis Bajram (Trois christs, UW1).
Pour le 1er album de la série, elle a fait appel au talentueux Griffo (SOS Bonheur, Petit Miracle). Honoré de Balzac apparaît dans sa vie personnelle comme un personnage balzacien riche en turpitudes, mais il goûte peu de lire la description de ses vices, publiée chaque jour en feuilleton.
Pour le second tome, avec Loïc Malnati (Du Plomb pour les Garces, Apocalypse) au dessin, c’est le cinéaste HenriGeorges Clouzot qui est décrit à la fois comme le cinéaste le plus doué de sa génération mais aussi comme un tyran sans coeur. Lui aussi voit sa vie et sa dernière oeuvre, Le Mystère Balzac, un film sur le romancier éponyme, éclater de chaussetrappes en fausses révélations dans le piège de la mise en abyme.
C’est vraiment avec le 3ème et dernier épisode que l’intrigue se boucle sur ellemême dans un vertige sidérant pour le lecteur tout en permettant de questionner le statut de l’oeuvre, principe même de la mise en abyme. Aussi réelle soit elle, une oeuvre n’est pas la réalité mais une création. Dans le Paris des années 90, la scénariste Valérie Mangin et le dessinateur Denis Bajram, racontent leur rencontre, de leur vie étudiante à la création de cet album, en ménageant un à un tous les effets de suspense et de révélations propre au thriller. Le récit est truffé de références au monde de la BD, des « private joke » souvent réservés aux initiés, mais nécessaires pour la mise en abyme.
L’effet de trouble s’avère étourdissant pour le lecteur, d’autant que le final, aussi délirant soitil, est réussi. L’important dans ce genre d’élucubration fantastique est bien sûr de retomber sur ses pieds sous peine de perdre son lecteur en route.
Didier Morel
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