Au sujet de : Luxley - tome 1 article paru originellement en juin 2005 www.bdgest.com
Le mauvais œil
1191. C’est la troisième Croisade. La France et l’Angleterre attendent le retour de leurs rois, Philippe Auguste et Richard Cœur de Lion, partis combattre Saladin. Rien ne paraît pouvoir menacer l’Occident chrétien. Pourtant, l’inimaginable se produit : une immense armée de mayas, d’aztèques, et d’autres guerriers, entreprend une invasion sanglante de la chrétienté désarmée. Le Nouveau Monde a osé envahir l’Ancien…
Huit années ont passé. Ceux que tous appellent les Atlantes dominent l’Europe. Tout ne peut pas être perdu. Robin de Luxley, dit Robin des Bois, en est persuadé. Hélas, en mission secrète pour la rébellion, il est capturé par le gouverneur atlante de la France…
Devenue spécialiste du détournement de l’Histoire avec un grand H, Valérie Mangin s’est essayée à un exercice assez courant en littérature mais beaucoup moins en BD, à savoir l’uchronie ou la reconstruction de l’Histoire après avoir changé certains évènements. Le choc assez original et inattendu entre les cultures chrétiennes moyenâgeuses et les cultures indo-américaines est extrêmement bien développé mais contre toute attente, ce choc est surtout représenté via un huis-clos entre Luxley et le gouverneur Inca Vucub-Noh. Malgré un récit bien articulé et maîtrisé autours des manipulations de ce gouverneur, l'arrière-fond uchronique(invasion et occupation de l’Europe, résistance des chrétiens, etc) aurait sans doute mérité une meilleure exploitation. Car manquant cruellement de souffle épique, l'intrigue s'apparente à une histoire d’aventure somme toute très classique. C’est assez dommage vu le potentiel de l’histoire de base.
Côté graphique, le dessin se rapproche plus des canons en vigueur au sein des BD historiques, à savoir une rigueur et un réalisme assez poussés (un peu à la manière d’un Mitton sur Vae victis ou d’un Miville-Deschênes sur Millénaires). Malgré quelques imprécisions, le jeune Ruizgé s’en sort plutôt bien. Ici, aussi, on peut regretter une sous-exploitation du mélange détonnant entre Moyen-Âge chrétien et société inca. Un tel univers aurait mérité des décors un peu plus grandioses.
Après Le Fléau des Dieux et Le Dernier Troyen, Mangin mérite donc à nouveau une palme spéciale pour l’originalité de ses scénarios. Cependant, alors que ses dernières séries, en empruntant beaucoup au space-opéra, exploitaient au maximum, tant scénaristiquement que graphiquement, le background fantastique de l’histoire, Luxley se caractérise par une sobriété assez surprenante. Les prochains tomes devront y remédier afin de hisser cette série au niveau de ses prédécesseurs.
Le potentiel en tout cas y est.
A. Legrain
Faire un lien vers cet article : ./infos.-revue_de_presse.html?direct=presse:6