Universal vie 1, le brillant livre des destins de Bajram et Mangin
Cela avait commencé comme une fantaisie autour d’un Balzac dupé par un auteur publiant le roman de sa vie. La mise en abymes s’était poursuivie, au carré, au siècle suivant par le film tragique que Clouzot s’apprêtait à faire de ce fameux roman. La trilogie imaginée par Valérie Mangin s’achève ici avec une mise en perspective encore plus vertigineuse. Cette fois, c’est... sa propre vie que la scénariste met en scène – depuis l’instant ou, en 1993, jeune étudiante en histoire de l’art à Paris, elle tombe sur une étrange BD signée « Valérie Mangin », qui n’est autre que la première partie d’Abymes...
Cinq ans plus tard, tout juste après avoir brillamment réussi sa thèse (sur... Balzac, et la mise en abyme de sa vie et de ses archives !), elle découvre le tome 2, tout aussi étrangement. Et, tout aussi mystérieusement, cet autre ouvrage qui n’existe pas lui échappe... Evénement éclipsé par sa rencontre avec Denis Bajram. On suivra ensuite le couple d’auteurs de Bruxelles à Bayeux (... où il vient s’installer dans la maison de Balzac, décor des deux précédents tomes !) jusqu’à l’époque contemporaine (et même au-delà...) dans un dispositif où leur existence s’imbrique de plus en plus avec cette présente trilogie...
En février dernier, dans le magazine CaseMate, Valérie Mangin évoquait son ambition, avec Abymes, de montrer des créateurs « qui seraient le sujet de leur création », piégés par leur propre oeuvre. Pari réussi, avec ce troisième tome, assez magistral dans sa construction. Effet démultiplié, en plus par le fait que c’est Denis Bajram qui met en scène lui-même cette ultime partie... et qui en arrive à se dessiner lui-même en train de dessiner l’album qu’il est en train de dessiner ! Il le fait en conservant sa technique en couleurs directes testée sur 3 christs (autre variation à contraintes), qui nimbe l’album d’une atmosphère doucement irréelle. Un petit jeu brillamment exécuté et qui clôt fort bien la série (ce qui n’était pas gagné d’avance) avec un clin d’oeil final aux paradoxes temporels et à l’univers de la série phare de Bajram, UW1. Et cette auto-biographie imaginaire va au-delà de l’exercice de style. Sans être intimes avec les auteurs, on peut, en effet, croire, qu’ils ont bien « joué le jeu » de cette mise en abyme de leur propre existence. Accessoirement, les bons connaisseurs du monde de la BD découvriront, joliment portraiturés, quelques pointures du genre comme Griffo, Arleston ou Mourad Boudjellal. Et bien sûr Denis Bajram et Valérie Mangin, auteurs et acteurs principaux de ce brillant épilogue.
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