Valérie Mangin dévoile le second tome d’Abymes, cette fois porté sur la figure de Clouzot. Toujours aussi exaltant.
Et si Clouzot avait réalisé une fausse biographie de Balzac, au lendemain de 39-45 ? Et si le tournage de ce film avait pris la tangente à cause des mauvaises blagues d’un inconnu ? Et si tout cela avait entraîné la mort prématurée du réalisateur ? C’est l’histoire que nous racontent Valérie Mangin et Malnati dans cette deuxième partie d’Abymes chez Dupuis (Aire Libre).
Le premier volume, publié début janvier, racontait un faux drame autour de Balzac : l’écrivain, harcelé par une chronique anonyme qui révèle tous ses secrets, sombre dans une véritable paranoïa au final inattendu. Ici, Clouzot tourne le film de cette même fiction autour de l’auteur de La Comédie humaine. C’est donc une pure mise en abyme qui va se poursuivre avec un troisième et dernier tome, en mars, mettant en scène Valérie Mangin elle-même dessinant la fausse histoire de Clouzot qui fait un film sur la fausse histoire de Balzac.
« Collabo ! »
Comme ce premier volume, le scénario tient la route et mène avec brio le lecteur au cœur du doute, à la limite entre le fantastique et le polar. Pourtant les mêmes rouages de l’intrigue sont utilisés : Clouzot découvre dans les rushes de son film des scènes qu’il n’a pas tournées. Ces scènes témoignent de situations compromettantes et, pour le coup, met de nombreuses personnes du plateau mal- à-l’aise. Comme dans l’histoire de Balzac. Mais Clouzot n’est pas Balzac. Il a très mauvais caractère, il est passablement lunatique, mais n’a rien à se reprocher et n’est pas paranoïaque.
Valérie Mangin va chercher ailleurs le point d’ancrage du scénario : à l’époque où le réalisateur a commencé sa carrière, l’occupation venait de se terminer. Nombreux sont ceux à l’avoir accusé d’avoir été collaborationniste. Il se voit donc harcelé par des communistes qui le guettent à la sortie du tournage, comparé par certains journalistes à Petiot, médecin meurtrier guillotiné en 1946. Ce harcèlement incessant est une seconde intrigue qui prend le pas, petit à petit, sur l’histoire des rushes.
Une partie, un dessinateur
Ce scénario exaltant est porté par le trait de crayon de Malnati, jeuneauteur de BD qui a déjà travaillé avec Valérie Mangin (Du plomb pour lesgarces). Ici, le dessin est plus froid que dans le premier tome mené par Griffo, avec des couleurs moins vives qui ont pourtant tendance à être un peu brillantes. Le trait est moins dans la caricature et passe pour un dessin plus réaliste, moins expressif également.
Le changement de dessinateur, à chaque tome, est bien également un des intérêts de ce triptyque. Il marque le passage d’une échelle à un autre dans ce concept réellement convaincant de mise en abyme. Reste à découvrir le dernier ouvrage, mi-autobiographique mi-fictionnel,que les deux échelles précédentes ont doucement commencé à composer. Car la mise en abyme n’est-elle pas une manière inversée d’appréhender l’intrigue principale ?
Gwendal Fossois
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