Voici donc le troisième et dernier tome de cette surprenante trilogie conçue par Valérie Mangin. Après la mise en Abyme de la vie de Balzac (T1), puis celle du réalisateur Clouzot en train de filmer la vie de Balzac (T2), c’est tout naturellement à son propre « personnage » que Valérie s’attaque pour un dernier round. La mécanique de l’album en est aussi simple qu’efficace. Les deux auteurs, Valérie Mangin et Denis Bajram sont victimes d’une histoire pré-écrite de leur vie, que le lecteur de l’album est en train de lire !De l’intime et du fantastique
Dans ce dernier tome d’Abymes, les deux auteurs se mettent eux-mêmes en scène depuis leur vie de jeunes adultes jusqu’à un futur fantasmé. Réalité et fantastique (passé, présent et futur) s’y entremêlent, sans jamais vraiment donner d’explication. Dans ce récit tout en demi-teintes, les auteurs se dévoilent dans leur intimité, avec une grande sincérité. Parsemé de références multiples, cet album se lit comme un jeu de miroir complexe ou l’album et la vie réelle se reflètent à l’infini.Le récit, pourtant n’a rien de très spectaculaire. C’est l’histoire au jour le jour de la vie (personnelle et professionnelle) de Valérie. De Paris, en passant par Bruxelles ou Bayeux, elle narre son quotidien, ses évolutions et ses choix de vie. Et pourtant, le fantastique, qui revient régulièrement avec ces albums mystérieux ou leur vie est déja écrite, fait monter la tension. Plus on avance dans le récit, plus Valérie accélère le rythme et les accidents fantastiques, pour finir par un final ... complètement délirant ! D’ailleurs, cette fin n’est pas sans rappeler le culot et la gentille “mégalomanie” de Denis Bajram. Pas de doute, cette trilogie Abymes fait sens avec cet univers particulier (Universal War One ou Trois Christ). Elle s’inscrit dans une réflexion sur le médium, la réalité et l’apparence qu’a initié Bajram.Coté dessin
C’est une des (bonnes) raisons d’acheter cet album. Comme à son habitude, Bajram se met au service du scénario. Proche du rendu de Trois Christ, il a choisi un dessin sans encrage, aux couleurs désaturées et à la patine légèrement granuleuse. Ce traitement « infographique » lui permet d’intégrer dans ces planches les dessins et les retouche- photos. Même si je regrette ce choix, je suis bluffé par le résultat visuel que je trouve spectaculaire et hyper cohérent. Petit plus, Mangin et Bajram émaillent l’album de gueules du monde de la BD. Les passionnés s’amuseront à identifier Xavier Dorion, Griffo, Arleston, Thierry Bellefroy, Mourad Boudjellal ou les libraires de fantasmagories... Un petit hommage aux gens qu’ils ont croisés dans leur vie.Pour résumer
Dans ce troisième et dernier tome d’Abymes, Valérie Mangin et Denis Bajram nous entraînent dans un jeu de miroir où se répondent réel et fiction. Etablissant des liens avec les tomes précédents, Valérie nous raconte la genèse fantastique de ces deux épisodes. Héroine et victime de cette « mise en Abymes », elle est indéniablement l’auteure talentueuse de ce jeu sans fin.
Jacques Viel
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