Trois mois, trois dessinateurs et un exercice malicieux s’amusant de la mise en abyme : Valérie Mangin offre une trilogie aussi originale qu’audacieuse. En tout cas, génialement servie par ce premier volet mettant en scène Honoré de Balzac pris au piège d’un roman-feuilleton anonyme contant les plus intimes et inavouables méandres de sa vie. Rappelons le principe de la mise en abyme, qui emboîte dans une œuvre un morceau de l’œuvre ou l’œuvre entière elle-même. Ici, le jeu de miroir proposé confond le fil des évènements auxquels Balzac est confronté – ainsi que sa vie passée – au récit publié quotidiennement dans un journal. Il lit ainsi chaque matin ce qui lui est arrivé voire ce qu’il est en train de faire au moment où il lit le récit (vous suivez ?). Quoi qu’il en soit, ce jeu entraîne le romancier, à grands renforts de surprenantes révélations, dans un gouffre (un autre type d'« abîme ») machiavélique tutoyant la folie. Une seule solution : enquêter pour trouver qui se joue de lui. Et qui s’offre même le vice de copier son style de génie. Ficelée par ce petit suspens à tendance policier – et l’exercice stylistique décrit auparavant – l’intrigue est un petit bijou de construction parfaitement happant. Elle propose même, en supplément, de multiples clins d’œil à l’œuvre balzacienne, en déclinant astucieusement fantastique, romanesque ou circonvolutions de la psychologie humaine avec beaucoup d’à propos. Difficile de ne pas être emballé par cette mise en... bouche, d’autant que la suite semble prometteuse, qui nous tisonne un s2éme épisode avec le cinéaste Henri-Georges Clouzot (préparant un film sur... Balzac) et un 3éme avec Valérie Mangin herself (logique). Pour la partie graphique, avant de retrouver Loïc Malnati (au tome 2) puis Denis Bajram (au tome 3), c’est le compère Griffo (Petit Miracle) qui joue son impeccable partition. Le décorum du XIXéme siècle est joliment respecté, les velléités anxiogènes parfaitement restituées, les cadrages emballant, la colorisation élégante... Bref, le dessinateur se met à la hauteur des intentions et des exigences du scénario.
Jean-Bernard Vanier
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