C’est décidé : Balzac va lui intenter un procès à ce traitre de Pichot ! Non seulement le directeur de « La Revue de Paris » ne publie finalement pas« La peau de chagrin », son nouveau roman, mais en plus il l’a remplacé par un récit dont il est tout bonnement le personnage principal. Tout juste arrivé à Paris, le romancier se procure un exemplaire de « La Revue » et là, stupeur ! Non content de raconter sa venue dans la capitale pour faire arrêter sa publication, l’épisode du jour donne aussi, en prime, des détails croustillants sur sa vie et son passé (notamment son aventure avec Marie, la femme de l’Académicien Andrieux, pour qui il a travaillé comme secrétaire) que très peu de personnes connaissent. Il lui faut absolument arrêter tout cela avant que son honneur n’en pâtisse. Et si celui qui a écrit cela savait aussi pour...Non, ça, personne ne le sait. Même pas Marie. Alors qui est-ce ? Son ancien nègre qui, aidé de Marie, veut le faire chanter ? Pichot ? A moins que ce ne soit tout simplement sa femme ? C’est en tout cas elle la mieux placée pour l’espionner ainsi, quasiment en temps réel...
L’abyme appelle l’abyme : c’est bien connu. Ici, c’est la mise en abyme de sa propre vie dans ce roman feuilleton qui va jeter la malédiction sur Balzac et va l’entrainer dans le gouffre de la folie, cet autre abyme. Et si ce récit fonctionne si bien, si l’on se laisse prendre (avec plaisir) au jeu habile de sa scénariste, c’est que Valérie Mangin a choisi le héros parfait : Balzac, dont la paranoïa (il croyait que les journalistes et ses pairs lui en voulaient à dénigrer ainsi son travail) était célèbre et dont le génie frisait parfois la folie : à trop s’investir dans son grand Œuvre de « La comédie humaine », à passer jour et nuit à rendre l’étude des mœurs de ses contemporains aussi réaliste que possible, Balzac aurait pu confondre réalité et fiction, sa vie et son Œuvre. Qui sait d’ailleurs si, ambition et prétention aidant, ils n’ont pas effectivement fini par ne faire plus qu’un dans la tête de l’auteur sur la fin de sa vie...
Voilà en tout cas l’hypothèse dans laquelle Mangin s’est engouffrée pour concocter ce récit malicieux qui, très documenté, utilise des faits historiques réels et des traits de caractère avérés concernant Balzac pour mieux nous manipuler en y greffant ensuite des évènements complètement inventés ! Je vous garantis qu’une fois sa lecture terminée vous irez, comme moi, vérifier sur Wikipédia ce qui est ici totalement vrai ou, au contraire, pure fiction.
Un scénario vraiment original très bien mis en images par Griffo avec ce dessin semi-réaliste certes classique mais très juste qui n’est pourtant qu’une mise en bouche ! Il ne s’agit là en effet que de la première partie d’un triptyque autour du jeu de miroir qu’est la mise en abyme. Vivement la suite !
Sullivan
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