L’expérience tourne mal. Alors que l’équipage arrive à la frontière avec l’AuDelà, la vive lumière marquant l’entrée du royaume des morts se trouvant face à eux, le moteur de leur vaisseau s’arrête et ce dernier commence à geler. Dans le laboratoire, l’équipe de scientifiques s’inquiète de la perte de communication avec l’équipage, surtout que le temps va finir par leur manquer. Cela fait maintenant 9 minutes que le jeune Matt est en arrêt cardiaque et dans deux minutes, ils devront impérativement le réanimer. Toutefois, l’équipage ne compte pas se laisser mourir comme Monsieur Black. Pour remettre le moteur en marche, il leur faut impérativement réchauffer les circuits de l’ordinateur de bord, mais s’ils retirent leurs gants, ils se condamnent à une mort sans appel.
Buzz n’est pas du genre à se laisser démoraliser et même s’il n’est pas aussi intelligent que la noble assemblée qui l’accompagne, il n’est pas sans ressource et il finit par trouver le moyen de réchauffer les circuits sans devoir sacrifier l’un d’eux. Le vaisseau et le sarcophage continuent leur chemin vers la lumière. L’ambiance s’est fortement dégradée dans le vaisseau, surtout que Buzz a eu comme un flash, le temps d’un instant, il a revécu le sauvetage du vaisseau en lisant les pensées des autres membre de l’équipage et le résultat n’est pas glorieux pour lui. Mais il aura bientôt une tout autre préoccupation car une haie d’anges apparaît soudain devant eux, des séraphins titanesques qui leur ouvrent le passage vers l’AuDelà. C’est aussi à ce moment que des défunts viennent visiter chacun d’eux. Elois retrouve son défunt père, qui la félicite sur sa carrière, Katlyn Fork revoit son défunt mari, tentant de la convaincre qu’elle a fait ce qu’il fallait pour leur fils, Buzz retrouve un de ses anciens camarades d’armes...
Ce tome 2 de Expérience Mort était attendu au tournant, car Valérie Mangin et Denis Bajram allaient devoir nous donner leur propre vision de l’AuDelà. Un jeu dangereux car il faut à la fois donner son avis sur ce qui peut bien exister derrière cette lumière sans risquer de choquer une partie du lectorat. Et il faut l’avouer, les deux scénaristes vont être très fins dans cette partie d’échec. Le début de ce deuxième tome ressemble à celui d’un film catastrophe, avec l’équipage du vaisseau à deux doigts de mourir... dans le tunnel sensé mener au monde meilleur, cela serait tout de même paradoxal. Cela n’empêche pas les deux scénaristes de tuer l’un de leur personnage dans ce vaisseau, posant plus de questions que de réponses. En fait, ils vont d’abord nous exposer une réflexion scientifique sur l’AuDelà, un raisonnement assez intéressant ne remettant nullement en cause les explications d’ordre plus métaphysique.
La partie cruciale sera d’abord le passage par la rencontre avec des anges et des divinités de religions autres que catholique. Les auteurs iront même plus loin sur ce que contient ce lieu hors du temps et de l’espace. Mais franchir la lumière blanche est évidemment le moment clé de ce tome et les révélations qu’aura chaque protagoniste seront à l’image de leur croyance. C’est certainement ici la grande réussite scénaristique des deux auteurs qui nous donnent une image très intéressante à la fois philosophiquement que mystiquement parlant. Les conséquences qui découleront de cette visite du royaume des morts seront particulièrement surprenantes et la conclusion de ce diptyque s’avérera une vraie surprise mais démontrant surtout que les auteurs sont parvenus à se sortir d’un piège calculé avec une grande dextérité.
Ce qui rend le récit si fort, ce sont aussi les planches de JeanMichel Ponzio. Bon, je mettrais un bémol sur les visage proches de la photographie plus que du dessin, ce qui rend parfois les traits trop figés ou exprimant un sentiment contradictoire avec l’événement qui l’a entraîné. Mais d’un autre côté, il y a ces superbes pages illustrant cette traversée du tunnel avec des anges immaculés et une traversée d’un triangle des Bermudes impressionnant. Et surtout, le grand final, l’autre côté de la lumière est mis très intelligemment en image. Ces planches resteront gravées un long moment dans l’esprit du lecteur qui ne pourra que s’interroger sur cette conception de l’AuDelà regroupant plusieurs religions et vérités sur les religions.
Expérience Mort s’avère parfaitement calibré pour le format du diptyque, exercice loin d’être évident, relevé ici avec brio.
Frédéric Leray
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